Le contrat CAPE : test d’activité agricole

Je continue ma série d’articles « Cheminer jusqu’à la première graine plantée » avec ce soir l’épisode sur le statut juridique. J’ai été obligée de mettre en pause la publication car les semis des plants et l’aménagement des planches de culture accaparent tout mon temps depuis début mars. La photo ci-dessous a été prise hier dans ma mini-serre de balcon, ce sont les plants de tomates de la variété Marmande.

plants tomates en cotylédons variété marmande

Vous pouvez (re)lire les deux premiers épisodes : « Trouver des terres » et « Eau et électricité ».

Cheminer jusqu’à la première graine plantée #3
Le contrat CAPE : test d’activité agricole

Acquérir un statut juridique et social

Lors de ma rencontre avec l’association Terrro (août 2015), il a été question de mettre en place un lieu test agricole. Un lieu test consiste à fournir à des personnes désireuses de s’installer en agricole un lieu de production clé en main où les porteurs de projet peuvent tester leur envie, leur technique et leur commercialisation pendant un certain temps. L’avantage de ce type de formule est de permettre à des personnes « hors cadre familial », c’est-à-dire des personnes dont les parents ne sont pas des agriculteurs, d’évaluer la viabilité économique, physique et social de leur projet agricole. L’inconvénient c’est qu’il faut quitter le lieu à la fin du test et cela ne convient pas à tout le monde.

A Rosans, il n’y avait clairement pas de budget (et sûrement de projet bien défini) pour créer un lieu comme celui-ci. En revanche, le concept de test, nous a pas mal plu. Il fallait donc trouver un système où le test se fait avec des terres que nous avions déjà à notre nom sans que nous soyons obligés de les quitter d’ici deux ou trois ans. Pour le matériel, les agriculteurs de Terrro s’engageaient avec nous sur du prêt de matériel afin de commencer sans d’importants investissements (comme le tracteur, des outils du sol et surtout un bâtiment agricole).

Mon maraicher a donc pris contact avec RENETA, le réseau national des espaces tests agricoles (octobre 2015). Ces derniers lui ont indiqué une SCOP dans les Alpes de Haute Provence qui pouvait nous correspondre. Après un super premier contact, nous avons été conviés aux portes ouvertes du lieu test du CFPPA de Carmejane (novembre 2015). Suite à cette journée, nous avons candidaté pour entrer à la SCOP en question, Mosaïque basée à Volx près de Manosque. Après validation de notre projet (notamment au niveau prévisionnel économique), nous avons signé un contrat CAPE avec eux (mi-janvier 2016). Ce contrat existe depuis de nombreuses années mais dans le monde agricole, il est utilisé que depuis très récent (probablement 4/5 ans). Il s’agit pour nous de pouvoir tester notre projet pendant une année (et jusqu’à trois ans) avec un portage juridique. Cela implique que :

  • nous ne créons pas une entreprise en notre nom. Nous bénéficions du numéro SIRET de la SCOP Mosaïque
  • nous ne sommes pas exploitants agricoles, nous gardons notre statut du moment, à savoir demandeurs d’emploi
  • nous ne pouvons pas demander la dotation aux jeunes agriculteurs

A première vue, tout cela semble assez simple. Seulement dans le monde agricole ce statut est encore peu connu d’où parfois des situations cocasses. A Mosaïque, on nous avait avertis qu’il pouvait y avoir des soucis avec les placiers sur le marché par exemple. Mon maraicher et moi on se présente et puis on présente la carte de commerçant ambulant du gérant de Mosaïque où il y a sa photo et pas la notre, forcément des fois, cela peut prêter à confusion pour le placier. Il se trouve que je vous raconte ce qu’il ne nous est pas arrivé. J’ai obtenu les quatre places de marché sans soucis même avec cette confusion possible.

Non, c’est encore avec notre demande d’installation de serre que nous avons eu droit à des complications. Je n’ai pas vraiment bien expliqué ce qu’il se passe avec la demande de serre. J’y reviendrai une fois que l’imbroglio sera démêlé et la serre montée. Je vais seulement vous raconter un peu le soucis contrat CAPE et administration. Je préviens comme dans mes précédents articles, c’est ardu.

dossier installation serre certificat d'urbanisme

Pour notre serre, nous avons été obligé de faire une demande d’installation car notre terrain se situe dans la zone de protection d’un monument historique. Avant de pouvoir déposer une demande préalable de travaux, il a fallu demander un certificat d’urbanisme (je vous avoue que je n’ai pas encore très très bien compris pourquoi il a fallu faire cela). Ce certificat a été demandé début novembre au nom de mon maraicher (je vous le fais super court là mais le dossier a pris plusieurs journée à être monté). Il a été approuvé par la Direction Départementale des Territoires (DDT) courant décembre et officiellement signé à la Mairie de Rosans juste avant Noël.

Début janvier, tout fringuant, nous avons enchainé en demandant le dossier de déclaration préalable de travaux. Seulement comme nous faisions une demande pour un projet professionnel, il nous fallait un numéro SIRET notamment (et aussi des justificatifs qui prouvait notre projet agricole comme une déclaration à la MSA, des baux de fermage, des attestations de la Chambre d’Agriculture). Il nous fallait donc attendre la validation de la signature de notre contrat CAPE avant de faire cette demande. Mi-janvier, le contrat CAPE est signé. Le lendemain (19 janvier 2016), la déclaration préalable de travaux était déposée en mairie. Comme la déclaration doit être approuvée par l’Architecte des Bâtiments de France (ABF), le délai d’instruction est de deux mois soit une attente possible jusqu’au 19 mars 2016.

Le 10 février, l’avis de l’ABF tombe. La demande est refusée. Je sais je suis horrible mais je suis obligée de passer sur cet événement, promis j’en reparle bientôt. Ce même jour au cours de nombreux coups de fil, nous apprenons que notre demande est aussi refusée par la DDT, en fait non par la Direction Départemental Agricole (DDA) exactement. Le problème est qu’il manque des pièces à notre dossier. Ici, l’histoire ne dit pas pourquoi la DDT/DDA ne nous a pas fait parvenir un arrêté pour demander les pièces manquantes comme cela se fait normalement. Non, ils ont simplement annulé notre demande. Je suppose que c’est notre statut un peu bizarre qui a dérangé mais à mes yeux cela ne les excuse pas, ils auraient dû nous contacter.
Bon, revenons à ces documents manquants :

  • un des documents manquants est plutôt de notre fait et encore. Il était demandé une attestation d’affiliation à la MSA (la caisse d’assurance maladie agricole). Or, nous ne sommes pas agriculteurs au sens juridique et social du terme. A nos yeux, il n’y avait pas de raison de s’inquiéter. En fait, si. Nous aurions dû la demander à notre SCOP qui est effectivement affiliée à la MSA (ce que nous avons fait immédiatement et reçu dans l’heure par email)
  • un autre, nous a paru vraiment pas en rapport avec notre demande. La DDA voulait que nous fournissions notre convention de mise à disposition de la SAFER, c’est-à-dire le bail de location de Pigerolles, l’autre terrain mais dont notre demande d’installation de serre ne concerne pas du tout
  • les deux autres documents, c’était nos contrats CAPE qui permettaient de justifier que le certificat d’urbanisme (CU) au nom de mon maraicher était bien lié à la déclaration préalable de travaux (DP) au nom de Mosaïque, autrement dit que nous étions bien liés à Mosaïque (j’ai appris depuis par un juriste que le fait que le CU n’est pas au même nom que la DP n’a légalement aucune incidence)

Clairement, ces documents nous les avions. Le gérant de Mosaïque est même intervenu auprès de la DDA pour expliquer notre situation. J’ai pu envoyer par email les documents (le jour où je publiais le premier article de cette série, le 24 février, le premier jour de semis de l’année, une sacrée journée en somme). Seulement, la DDA a renvoyé la décision d’annuler l’annulation à la DDT. Mon maraicher a tenté de négocier mais rien n’y a fait. La demande a été annulée et nous avons été obligés de déposer de nouveau une demande avec les documents manquants en plus. C’était le 29 février prolongeant légalement notre attente de deux mois avant l’avis officiel soit le 29 avril.

ferme acagnarda travail du sol agroécologie

Le récit de l’autorisation de la serre est à moitié tronquée ici car il manque les péripéties avec l’Architecte des Bâtiments de France. Je peux seulement vous dire que demain, nous avons rendez-vous avec elle à Rosans pour lui expliquer le projet in situ.

Durée approximative de l’étape « Acquérir un statut juridique et social »:
5 mois

Je ne m’étends pas volontairement sur le statut d’agriculteur dans cet article qui est quelque peu abscons quand on est pas du milieu. Je renvoie ceux qui veulent en savoir plus sur :

Bonne tisane !

4 thoughts on “Le contrat CAPE : test d’activité agricole

  1. Olalala les affres administratifs français ça ne donne pas envie… Vous êtes bien courageux, et je vous souhaite encore du courage jusqu’au dénouement de cette histoire !

  2. Eh beh, que de péripéties… on (enfin moi!) ne pense pas forcément à la montagne administrative, les délais, demandes, dossiers… à gravir avant de pouvoir vraiment s’installer… mais il y l’air d’avoir des structures un peu bienveillantes quand même… je vous souhaite du courage et la validation de toutes les demandes ! et l’épanouissement de/sur ce bout de terre drôlement joli !

    1. On a jamais vraiment envie de pense à tout ces truc administratifs 🙁 Mais heureusement il y a de la bienveillance chez certains et tout cela se vit malgré tout bien 😀
      La serre est montée et bien remplie de petits plants trop mignons !

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